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18/02/2016

Ecologie intégrale : le débat de St-Ferdinand des Ternes

Convergences entre écologie et démarche catholique :


 

Près de quatre cents personnes ont participé au débat sur la conversion écologique, hier soir à St-Ferdinand des Ternes. A la tribune autour du P. Matthieu Rougé : Mgr Jean-Pierre Batut, évêque de Blois ; Pascal Canfin, directeur général du WWF et ancien ministre ; et moi-même.

De l'exposé de Mgr Batut (souhaitons sa mise en ligne in extenso), j'ai noté plusieurs points-clés. En substance :

« L'idée de famille heurte de front l'individualisme libertaire, dogme de notre société de libéralisme avancé ; système économique qui se trouve aussi être le plus pollueur pour la planète... »

« Le libéralisme intégral porte la révolution totale des moeurs, qui fait partie de l'extension illimitée du marché... »

«  Dans nos pays, mettre en oeuvre les nécessaires "nouveaux comportements" se heurte à ce libéralisme avancé et à son dogme de l'individualisme. Nous parlons volontiers d'écologie, mais ça ne se traduit pas dans la vie quotidienne... »

«  La conversion écologique est à fonder sur un projet commun. Tout se tient, dit le pape François dans l'encyclique ; cette formule interpelle les catholiques. [Hier, sur les questions de société] on faisait une sélection : aux "catholiques de droite" la morale et les valeurs familiales, la Manif pour tous ; aux "catholiques de gauche" la justice sociale et la solidarité ; les uns et les autres ne se parlaient pas. Aujourd'hui apparaît l'écologie humaine : elle atteste que ce cloisonnement des esprits et des actes est une tragédie pour la foi chrétienne... »

«  L'écologie intégrale apparaît en trois étapes. D'abord avec Jean-Paul II : en 1991, l'encyclique Centesimus annus reformule l'anthropologie chrétienne ; la justice sociale est reliée au problème du consumérisme, maladie spirituelle qui dénature l'homme en l'éloignant de la gratitude de créature et de la "gérance" du reste de la création. L'homme substitué à Dieu provoque la révolte de la nature tyrannisée*, or l'homme doit respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté... » Ensuite avec Benoît XVI : Caritas in veritate situe la réflexion sur l'écologie dans une réflexion sur la culture. Au § 51, qui sera cité trois fois dans Laudato Si', culture et nature sont décrites comme désormais imbriquées l'une dans l'autre : "De même que les vertus humaines sont connexes, si bien que l'affaiblissement de l'une met en danger les autres, ainsi le système écologique s'appuie sur le respect d'un projet qui concerne aussi bien la saine coexistence dans la société que le bon rapport avec la nature..." Enfin avec François : dans Laudato Si'**, l'écologie intégrale [déploie toutes ses dimensions] : l'environnemental, l'économique, le social, le culturel, le politique, l'intergénérationnel, la vie quotidienne... »

«  Pas d'écologie conséquente si l'humanité ne se comprend pas elle-même dans un discours qui la transcende ! »

« Le corps humain est le lieu où se rejoignent l'écosystème et l'humanité, charnelle et spirituelle. Vouloir la domination absolue sur son propre corps, c'est aussi vouloir la domination absolue sur le reste de la création. Il faut apprendre à "recevoir" son corps... »

 

L'intervention de Pascal Canfin a permis au public de constater que les lignes bougent chez les écologistes. Des divergences sur certains points sociétaux peuvent susbsister entre la démarche de Canfin (ou de Bové ?) et la vision sociétale chrétienne : mais il y a une convergence fondamentale. Canfin réfute le vertige de l'illimité. Il redéfinit la notion de "progrès" pour la ramener aux réalités de l'homme et de la biosphère. Il rejette l'idéologie économiciste comme barrant l'avenir, puisqu'elle exclut de sa perspective les écosystèmes et les formes sociales non-marchandes... Sur tous ces points, il converge avec la pensée de François dans La joie de l'Evangile et Laudato Si'.

 

C'est ce que j'avais souligné pour ma part en évoquant les rencontres amorcées en 2014, et multipliées depuis l'encyclique au fil de nombreux débats catho-écologiques dans toute la France. La réalité est la même pour tout le monde : afin que les écologistes se désencombrent des griefs anti-catholiques qui subsistent chez nombre d'entre eux, le premier devoir des catholiques est de se désencombrer des préjugés anti-écologiques qu'ils traînent depuis 1968...***

 

 

_______________

* NDPP – Cf. Genèse 4, 10-12. Dieu dit à Caïn : « Le sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi. Désormais tu es maudit, chassé loin du sol qui s'est entrouvert pour boire le sang de ton frère versé par ta main. Quand tu cultiveras le sol, il ne te donnera plus toutes ses ressources... »

** « ...qui cite notamment Benoît XVI au Bundestag faisant un éloge de l'écologie, alors que les Verts avaient refusé d'assister au discours... » (Mgr Batut).

*** J'ai cité dans mon intervention le directeur de cabinet du maire de Grenoble. Lors d'un dîner auquel ils participaient tous deux en notre compagnie, chez Mgr de Kerimel, en septembre 2015, cet écolo de choc – dans la trentaine – a déclaré que l'écologie politique fut polluée à l'origine par « l'esprit de 68 » : se caractérisant par « la revendication de l'illimité » (a-t-il expliqué), 68 ouvrit la porte au consumérisme – illimité lui aussi – qu'il prétendait combattre.

 

 

13:05 Publié dans Ecologie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : écologie, catholiques

Commentaires

AU 'FIGARO'

> Rien à voir, mais regardez ceci, ça vaut le détour: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/02/17/01016-20160217ARTFIG00401-pape-francois-le-profit-et-le-capital-ne-sont-pas-au-dessus-de-l-homme.php

ND


[ PP à ND - Au contraire, ça a beaucoup à voir avec le débat d'hier soir ! ]

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Écrit par : ND / | 18/02/2016

SOBRIÉTÉ

> Cher Monsieur,
Paroissien de Saint-Ferdinand, je vous ai écouté avec intérêt hier. Voici la question que j'aurais aimé poser hier à propos du thème de la soirée : « Église et écologie : une conversion crédible ? »
En parcourant la France, vous avez relevé que la conversion des catholiques « de base » à l'écologie relève notamment d'une recherche affichée de sobriété. Or, lors du mercredi des cendres la semaine dernière, le Christ nous appelait à jeûner dans le secret (cf. Mt 6).
Une certaine mise en scène de la sobriété n'est-elle pas difficile à concilier avec la pratique de la vertu, qui est personnelle, spécifique à chacun ?
Bien à vous,

Benoît Perrin


[ PP à BP - Cher Monsieur, dans l'esprit du pape et de ceux qui le suivent, il ne s'agit pas de mise en scène : il s'agit de trouver un autre style de vie, en rompant avec le consumérisme-gaspillage de la société de marché. Il s'agit aussi de "vêtir ceux qui sont nus" et de "nourrir les affamés", chose sur laquelle nous serons jugés si l'on en croit les propres paroles du Christ... ]

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Écrit par : Benoît Perrin / | 18/02/2016

PASCAL CANFIN

> Pascal Canfin ? C'était pas lui le ministre écolo du DEVELOPPEMENT de Jean Marc Ayrault (port). Non je dois confondre. Il était pas ministre de la finance fraternelle plutôt ? Bref je ne sais plus mais je vois très bien que du côté développement de ma petite carrière, il n'y a pas de soucis à se faire. Le vent me portera...

d béal


[ PP à DB - S'il s'agit de carrière, elle a changé de nature : Pascal Canfin a quitté la politique. Il s'occupe du WWF. ]

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Écrit par : d béal / | 18/02/2016

LE W.W.F. ET LE DÉBAT

> Au sujet de Pascal Canfin et du Wwf , je voudrais ajouter que le Wwf est soupçonné de conflits d'intérêt , recevant de l'argent d'entreprises peu regardantes sur l'environnement , ses actions sont parfois critiquées , et le dernier président a trouvé la mort en faisant de la plongée alors qu'il passait ses vacances en Polynésie , vacances peu écologiques pour quelqu'un qui devrait donner l'exemple....

NL


[ PP à NL :
- Bien sûr.
- Mais le propos de Canfin, au débat de l'autre soir, ouvrait des perspectives intéressantes... et inédites de la part d'une personnalité de ce milieu.
- Si l'on ne devait débattre qu'avec des gens au métier au-dessus de tout soupçon, on ne débattrait jamais ; et refuser de débattre (de "sortir", dit le pape) ne mènerait pas à grand-chose : ne serait-ce que vis-à-vis du public, qui a le doit d'entendre tous les points de vue...
- (Même si après le débat une jeune journaliste sarkozyste (!!!) est venue m'incendier en me disant que mes raisonnements ne la "respectaient pas" (???). Mais une seule sur quatre cents personnes, c'était une proportion raisonnable. ]

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Écrit par : Nathalie Larnicol / | 23/02/2016

GREENWASHING

> D'accord avec vous , M. Canfin a pu évoluer , mais il faut s'informer pour distinguer entre la vraie écologie et le " Green Washing" , par exemple ce que fait Maud Fontenoy par sa fondation est totalement aberrant mais malheureusement soutenu par le gouvernement, et aussi par Bolloré qui veut se refaire une image plus tendance....

NL


[ PP à NL - A ceci près que Mme Fontenoy est tout sauf "tendance" (c'est le discours ringardissime des Allègre d'il y a dix ans), et que ses positions sont à l'opposé de toute écologie ! ]

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Écrit par : Nathalie Larnicol / | 23/02/2016

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